Ils en parlent


Simone Arese

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La fille au scarabée

        Au commencement Dieu créa le Ciel et la Terre, c’est écrit dans la Bible. Et la Femme ainsi que l’Homme, dans cet ordre et non pas dans celui de notre Saint Livre, sûrement rédigé par une main masculine. Dieu n’est-il pas d’ailleurs toujours représenté sous la forme d’un mâle ?
        Donc, de ses mains de divin sculpteur, Dieu façonna la Femme et l’Homme, absolument égaux, n’en déplaise à certains Talibans, car Dieu, qui avait prescience de l’Avenir, savait que viendrait le temps de la Parité.
        La première femme s’appelait Lilith, selon cette tradition juive dont découle notre christianisme. Il faudrait lire toutes les bibliothèques du monde. Et plus particulièrement celles des archéologues, ces jardiniers de notre passé, ces terrassiers de nos genèses, qui ont su situer Eden sur nos planisphères et révéler que le premier couple d’humains n’était pas suavement blanc et blond comme le peignirent les merveilleux artistes de la Renaissance italienne, mais intensément noir. Pour tout dire : africain.
        A cette couleur près, la vie de nos sombres ancêtres fut probablement semblable à celle de nos aïeux décolorés. Mettons qu’ils chassaient le lion et l’éléphant en place du renne, et vivaient nus plutôt que couverts de fourrure car la météo de l’autre continent était plus clémente ; mais, pour le reste, c’était tout pareil : Monsieur chassait, avec les fils qu’il eût bientôt de Madame, et Madame gardait les petits dans la grotte, en préparant le frichti et retournant les matelas d’herbe. Madame était toujours grosse car la pilule ne serait pas inventée avant des millions d’années, et il fallait bien remplacer ces petits, mourant si facilement.
        La vie était rude, âpre, ne laissant ni temps, ni place aux sentiments, à la pensée. Le langage, d’ailleurs, qui permet les échanges, était à peine inventé, cri de singe encore, ce cousin récemment abandonné. Et pourtant, et pourtant…. Lilith parfois, ou sa fille, son arrière-nièce, on ne sait plus mais qu’importe, la femme en tout cas, la femme, à l’heure où le mâle chassait, où les petits qui avaient survécu consentaient à siester, la femme réfléchissait, allongée pour reposer un peu ses reins de femme gravide, et elle trouvait le plafond de sa caverne assez ennuyeux. Avec du papier peint, et des frises d’éléphants pour distraire les gosses, ce serait tout de même plus gai. Je ne vous garantis pas les mots du monologue intérieur, traduire c’est toujours trahir, nous savons cela. Mais l’idée était bien là. La première idée qui ne fut pas nourricière, domestique, utile.
        La Femme inventa l’art, quelque part en tassili. Elle accoucha d’un dessin, entre deux mises bas de nourrissons. Ayant fait cela, elle ressentit un grand bien-être, une satisfaction jusqu’alors inconnue. Son cœur cogna plus fort, un frisson courut sur sa peau, et elle sortit de la grotte, pour respirer mieux, car ses poumons aussi semblaient se dilater.
        C’était l’heure crépusculaire, avec le soleil embrasé, la brise vespérale, si légère, douce comme une caresse. Elle regarda au loin, là où avaient disparu les chasseurs, puis elle baissa les yeux, car un insecte lui chatouillait l’orteil. Ordinairement, copiant l’homme, elle tuait , sans états d’âme. Mais son âme, justement, était en gestation. L’âme venue du bout de ses doigts d’artiste, et qui avaient remonté, sous les frissons du bras, jusqu’à ce creux, là, entre le cœur palpitant et les poumons oppressés.
        Ces doigts-là ne purent commettre le geste ordinaire, sacrilège. Le scarabée était si beau, avec ses reflets métalliques. La femme le contempla, l’épargna, décida, d’un mot qu’elle ignorait mais dont elle inventa le sens, intuitivement, qu’il serait sacré.
        Il le fut, en Egypte, un peu plus tard. Et bien plus tard encore, toujours en Afrique, le scarabée, ou son fils, son arrière-neveu, ayant bien pérégriné, passé les siècles et les déserts, le scarabée, de nouveau, rencontra un minuscule orteil.
        C’était à Batna, au début des années 50. 1950. Quand les enfants de la Bible, du Coran et du Talmud partageaient encore les mêmes jeux, à l’heure crépusculaire. L’heure que j’ai dite, propice à la mélancolie et l’espérance. La petite fille se pencha, comme l’avait fait, bien avant elle, la dame de la grotte. Elle regarda l’insecte. Elle l’écouta de toute son âme. Il y eut entre eux un dialogue que je ne saurais relater avec mes pauvres mots d’écrivain car cette conversation ne comportait ni verbe, ni nom, propre ou commun, et pas plus d’adjectif. C’était seulement une onde, passant de la dure carapace à la chair tendre d’un pied d’enfant. Une onde de mémoire, racontant les origines, l’Afrique, la Femme. La petite fille absorba tout cela, le conserva comme un viatique, à travers les vicissitudes et les bonheurs de sa vie. Elle peignit, elle sculpta – souvent des ventres de femme gravide, car l’insecte ne lui avait épargné aucun détail de la vie dans la grotte. Elle signe ses œuvres Annie-Claude Ferrando. Mais ne vous fiez pas à la peau claire, à la flamme rousse des cheveux, aux beaux yeux si bleus. Grattez donc ce palimpseste, du geste délicat de mes si chers archéologues. Et vous découvrirez alors qu’Annie-Claude, c’est Lilith, la première femme, le premier pied, noir, n’ayant pas écrasé l’insecte sacré.

Simone Arese
août 2002


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Ecriture

        A l’origine – les bancs de l’école – l’écriture et son corollaire la lecture ne furent pas pour Annie-Claude une partie de plaisir. Elle était dyslexique. Soit. Toujours rassurant d’étiqueter les maux. Mais, surtout, elle ne faisait pas vraiment le lien entre ces lettres, ces lignes, et le sens qui en émanait. Car elle n’était sensible qu’aux formes, qui lui offraient ce plaisir premier : dessiner. Et la calligraphie arabe lui parut encore bien plus belle que notre alphabet latin. Si belle qu’on se découragea de lui faire apprendre cette seconde langue : elle s’échappait vraiment trop sur ces arabesques-là, comme sur le tapis volant des contes.
        Elle dut quitter sa terre natale, ce pays d’apprentissage en 1962, dans les circonstances dramatiques que l’on sait. Elle vécut un temps à Marseille, où elle découvrit une panoplie de fournitures faisant défaut au bled et qui lui permit de mettre de la couleur à ses dessins. Les peintres nomment souvent cela avoir de la matière. Dans le cas d’Annie-Claude, l’expression n’est pas usurpée. Car dans son premier tableau figuratif exécuté cette même année de l’exil, elle avait inclus du sable. Le sable comme mémoire du pays perdu, dans un tableau qu’elle arrima sur son vélo d’adolescente, pour le porter à une exposition, la première de sa vie. Le sable qui échappe de la main, comme la mémoire glisse à l’oubli dans la vieillesse, le sable qu’on enferme dans de petites boules de verre, pour mesurer le temps, qui nous échappe lui aussi. Cette première toile est a présent accrochée sur un mur de la maison normande d’Annie-Claude, entre quelques-objets de Là-bas, ce pays de la nostalgie.
        C’est en Normandie en effet que notre artiste est à présent installée, depuis longtemps, avec mari, enfants, petits-enfants, sans oublier les mères, ces divinités tutélaires des Méditerranéens. C’est en Normandie qu’elle est à nouveau heureuse, je peux vous l’affirmer. Et qu’elle s’est enfin découvert du goût pour la lecture, le jour où une amie lui mit entre les mains le livre d’une compatriote, Marie Cardinal : Les mots pour le dire. Ce fut une révélation, un choc.
        L’autre révélation lui vint lorsqu’elle fit un retour au pays. A l’entrée de Batna, où elle était née, la pancarte comportait deux lignes au lieu de l’unique qu’elle avait connue : le même nom, dans les alphabets latin et arabe. Cette pancarte fut en quelque sorte sa pierre de Rosette. Avant même de quitter l’autocar, telle Champollion descendant de son chameau pour révéler qu’il déchiffrerait enfin les hiéroglyphes, elle annonça à Claude (la mari, le complice, le bricoleur de cadres pour les toiles et de socles pour les sculptures ; Claude l’indispensable, l’émerveillé, toujours disponible) : je vais travailler sur l’écriture… Ses mots à elle, décidément, resteraient des formes, des couleurs, de la matière. Comme on fait feu de tout bois elle fait matière de tout ce que son œil aigu rencontre. Elle s’est arrêtée, la semaine passée, pour ramasser, dans un caniveau, une canette écrasée, rouillée, devenue fragile dentelle de métal et qui sera bientôt incorporée à un tableau encore à naître. Claude a soupiré, fait semblant de râler, car le sous-sol et le grenier débordent de ce qu’il nomme, avec ses mots à lui : toutes tes saloperies
        Aux belles couleurs neuves sorties des tubes et des pots brillants de nouveauté, elle continue d’ajouter ce que j’appellerai des reliefs de vie, comme on dit les reliefs d’un repas. Elle construit en effet ses œuvres à partir de la destruction. Comme elle dut se reconstruire après la destruction que fut l’arrachement à l’Algérie. N’hésitez pas à regarder de près ses toiles. Vous y trouverez cette fois, car c’est le thème du jour, des fragments de textes, dans des alphabets multiples. Des fragments déchirés, déchiquetés, car, toujours, elle continue d’ignorer le sens des mots, des phrases, et il nous faudrait, pour lire ces petits papiers, nombre de traducteurs, des linguistes. Elle mêle aussi bien le rouleau à prières tibétain que la partition musicale et les actes notariés du XVII° siècle. Nous ne saurons jamais qui a hérité de quoi, en cette année 1666 portée sur un de ces fragments. Comme nous ne saurons rien des tribulations de ce registre trouvé sur une décharge. Le clerc qui a rédigé l’acte rêva-t-il jamais de voir sa belle écriture faire partie, quatre siècles plus tard, d’une toile, exposée dans une bibliothèque ? La boucle me paraît ainsi bouclée : la mémoire détruite dans le lieu de la mémoire conservée. Cette courbe est aussi parfaite qu’un œuf, ce symbole de la renaissance. D’ailleurs, il y a aussi, parmi ces fragments de textes, cherchez bien, des coquilles d’œufs…

Simone Arese
mai 2005


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Mémoire de femme

        Non tant, malgré me singulier, la seule mémoire de l’artiste, que les mémoires superposées des générations depuis les origines. Et les origines sont africaines, les préhistoriens nous l’ont appris. Les femmes d’Annie-Claude Ferrando sont donc les Déesses-Mères de ces temps premiers, aux fessiers de Vénus hottentote.
        Pour autant, celle qui, au XIX° siècle passa à la postérité affublée de ce surnom, n’était plus prise pour personne divine mais pour curiosité monstrueuse, déportée de son continent pour être exhibée en Europe, tel un animal exotique. Cruel retournement de statut, comme si l’homme (oui, oui : avec un h minuscule, il a depuis trop longtemps démérité pour porter encore la majuscule) n’avait jamais su tenir sa compagne de toujours qu’à distance de lui-même, élevée dans un ciel improbable, ou abaissée dans l’enfer certain du mépris et de la cruauté réservés (par le même insensé) aux espèces qu’il prétend inférieures.
De l’adoration au mépris, l’homme ne fut jamais un être de mesure, capable de regarder la femme comme son égale.
        Annie-Claude Ferrando, qui connaît son privilège de vivre sur un continent où l’égalité est en passe d’advenir, a choisi de rappeler ces mémoires éclatées, de la lumière divine à l’obscurantisme.
        L’œuvre intitulée Ainsi soient-elles, qui, par son titre comme par sa présentation crucifiée, semble faire référence au christianisme peut aussi se lire comme une vision plus universelle : femme écartelée dans son cadre de bois telle une carcasse de bœuf à son crochet d’abattoir, telle une peau tendue, prête au tannage. Peau composite en l’occurrence puisque l’artiste mêle… tout ce qui lui tombe sous la main : plâtre, bois, papiers, filets à patates, paille de riz, le tout agrégé par peintures, colles et vernis ! Il faut alors, s’étant apprivoisé à distance, s’approcher des idoles et des martyrs, pour, oubliant le sens et les formes, détailler tous ces matériaux, dans la proximité d’un regard de myope, qui, seul, en révèlera la richesse.

Simone Arese
février 2006


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Balade en Normandie

Il arrive aux peintres de fêter leurs 30, 40, 50 ans de peinture…
        On appelle ça des rétrospectives, qui permettent de mesurer le chemin parcouru. Epreuve parfois dangereuse, car s’il est des talents qui s’épanouissent, s’affirment au fil des années, il en est qui s’égarent, qui périclitent, qui, surtout, se répètent, infidèles à leur ligne de progression, fidèles à la loi du marché, il faut bien vivre.
        Annie-Claude, qui ne fait rien comme ses confrères et consœurs, a choisi, pour fêter son départ en retraite, non pas de montrer son parcours pictural, mais de rendre hommage à la région qui lui a permis de renaître, après ce grand deuil du pays natal ayant marqué sa quinzième année. Française d’Algérie, elle est devenue Pied-Noir de Normandie. Elle a troqué la sandalette de l’éternel été contre la botte des automnes et des printemps pluvieux, des hivers de neige, de givre, de brouillard. La botte qui parfois aussi s’en va pêcher la crevette et les bois flottés de nos rivages. Merci Etretat, et l’aiguille creuse, merci le Mont Saint Michel, la politesse d’Annie-Claude est emplie d’allégresse car la falaise chère à Maupassant et Maurice Leblanc semble danser, tout comme le Mont, bientôt délivré de la digue qui l’attache au Continent. Et le pays de Bray, auquel on prête tant d’austérité, danse également sous son pinceau, qui, abandonnant les couleurs chaudes habituelles, nous étourdit de bleus, de verts, de gris, de blancs. Mais le rouge revient en force, dans toutes les ouvertures de la cathédrale, comme si un air de tango s’était emparé du monument célébré par Monet. Tellement célébré par le maître des Impressionnistes que c’était une gageure de s’attaquer à ce thème. Pari gagné : on reconnaît la cathédrale au premier coup d’œil, ce premier coup d’œil qui nous certifie également que c’est bien du Ferrando qu’on regarde. L’œuvre d’une femme heureuse, qui sait même voir la beauté des raffineries. L’œuvre d’une femme qui danse : un bonheur qui n’a pas de prix.

Simone Arese
16 novembre 2007


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Mémoires
(40 ans de création)

        Vous aurez noté, sans doute, que, sur le carton d’invitation, mémoires est au pluriel. Comme le genre littéraire où se sont, depuis des siècles, illustrés nombre d’écrivains, dont Chateaubriand avec ses Mémoires d’outre-tombe. Dans mon enfance, où je prenais tout au premier degré, ce titre me laissait incrédule : comment un mort pouvait-il rédiger ses mémoires ? J’appris plus tard que l’outre-tombe ne s’appliquait pas à l’écriture de l’ouvrage, mais à sa parution. Concernant ces Mémoires d’Annie-Claude nous n’avons heureusement pas à attendre qu’elle soit refroidie pour admirer ses œuvres – d’ailleurs, refroidira-t-elle jamais, cette femme tout feu tout flamme, dont la passion de vivre incendie (au second degré) les oeuvres ?
        Il y en a ici plus d’une centaine, qui illustrent, ainsi que précise le carton en sous-titre : 40 ans de création. Annie-Claude veut se rajeunir (comme si elle en avait besoin !) ou … elle ne sait pas compter car le résultat de la soustraction 2010 moins 1962 n’est pas 40 mais 48. 1962 c’est l’année de sa première toile, que nous aurions pu ne pas contempler indemne, car elle l’arrima tant bien que mal sur le porte-bagage de son vélo pour la porter dans une expo. A présent c’est Claude le cycliste, avec un véhicule dit utilitaire. Quant aux œuvres les plus récentes elles sont pour un futur proche puisque ses cathédrales seront bientôt aux cimaises de la … cathédrale de Rouen, au moment où sévira partout Normandie Impressionnisme. J’ai bien écrit : sévira car je m’interroge sur la nécessité de remettre en lumière des peintres qui n’ont jamais été à l’ombre puisque l’engouement pour eux n’a pas cessé. Miser sur les valeurs sûres du passé m’apparaît un choix aussi frileux que financier. Notre-Dame de Gravenchon a préféré parier sur une artiste contemporaine, en offrant sa belle Galerie du Parc à cette rétrospective d’Annie-Claude.
        On sait qu’elle travaille avec un égal bonheur toutes les matières, explore toutes les techniques, et qu’elle avance par thème. On trouvera donc ici de la peinture, du verre, de la porcelaine, du papier, du bronze, avec quelques éléments prélevés à la nature, car elle ne se promène pas au bord de l’eau sans y pêcher quelques bois flottés. Quant aux thèmes, s’ils relèvent souvent de la mémoire (du franc, des femmes), ils s’apparentent parfois à l’apprivoisement : l’écriture, dont sa dyslexie lui rendit l’apprentissage difficile, les chats qu’elle craignait, la Normandie, si différente de sa terre natale. L’apprentissage est la compagne quotidienne de notre jeunesse, comme les mémoires sont l’apanage de notre maturité. Et il y a encore, jalonnant ces étapes, accompagnant notre vie entière, nos goûts particuliers. On ne s’étonnera donc pas de découvrir également le thème de la musique, sans laquelle Annie-Claude ne sait pas travailler. Nous nous retrouverons d’ailleurs très prochainement, ici-même, pour en écouter avec elle. En attendant : bonne incursion dans ces Mémoires, qui sont aussi les nôtres.

Simone Arese
28 mai 2010


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Cathérales

        Les envieux – qui ne manquent pas sur cette Terre – taxeront sans doute Annie-Claude Ferrando de prétentieuse et d’opportuniste.
Comment, diront-ils, elle ose faire référence à Monet ? Comment : elle embraye sur ce projet pharaonique de Normandie Impressionnisme (pharaonique assurément pour nos finances)? Et ce toupet, non mais ce toupet d’exposer dans la cathédrale même…
Alors, moi qui suis son amie, permettez-moi, aujourd’hui de répondre, à voix haute, à tous ces envieux chuchoteurs.
        Annie-Claude ne pensait pas du tout à un tel projet, quand, en 2007, pour fêter son départ en retraite, elle décida d’une exposition rendant hommage à cette région de France, notre Normandie, où elle s’était reconstruite après son départ d’Algérie. Elle présenta donc moult paysages, campagnards aussi bien que maritimes, et quelques cathédrales. L’expo eut un franc succès, particulièrement les cathédrales. Elle en peignit donc de nouvelles, qu’elle souhaita, ultérieurement, montrer à la modeste salle d’exposition de l’Office du tourisme, en face la cathédrale.
        Mais l’Office, sans doute, est si bien occupé par les touristes, qu’il tergiversa, éluda. Elle décida de ne pas insister, m’annonçant sa déception par téléphone. Et moi de lui rétorquer : pourquoi ne pas exposer, carrément, dans la cathédrale ?
        Court silence au bout du fil. Nous sommes amies, je le répète, elle n’osait donc pas m’avouer qu’elle me trouvait complètement folle.
        Mais comme j’entends aussi bien tout ce qu’on ne dit pas que ce qu’on dit (surtout ce qu’on ne dit pas, d’ailleurs, j’ai des antennes !), j’insistais, vantant l’ouverture d’esprit de notre archevêque, son humour (n’avait-il pas précisé, après sa chute dans la Seine au moment de l’Armada : je n’ai pas tenté de marcher sur l’eau ?)
        J’eus dans l’affaire l’appui d’un aussi fou que moi: le mari de notre peintresse, qui se laissa donc convaincre, entreprit les démarches auprès des responsables culturels du diocèse.
        Voilà comment nous sommes ici, ensemble, aujourd’hui.
        J’en terminerai de la genèse de ce projet en citant François de La Rochefoulcaud : Qui vit sans folie n’est pas si sage qu’il croit … et Cosme de Médicis, qui ne fut pas seulement un banquier et un homme politique mais aussi un très grand mécène : l’envie est une herbe dangereuse, que l’on doit assécher et non point arroser.

Simone Arese
29 juin 2010


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